Tranquillement, le retour s’est amorcé. Sans manchettes, sans feux d’artifice.
Le point de départ ? Un tapis de bain.
C’est là, près de la baignoire, devant le miroir, chez elle, que Tracey Kerr a entrepris son retour à un mode de vie actif, en courant doucement, très doucement, sur place.
La prudence était de mise. Dix ans plus tôt, Tracey Kerr avait été victime d’un terrible accident de voiture.
La collision a causé un traumatisme crânien … a ravagé ses capacités motrices, nécessitant l’utilisation d’un déambulateur … a créé des troubles de la glande pituitaire, entraînant un diabète insipide central (qui a failli lui coûter la vie à deux reprises) … l’a privée de l’usage de la parole … a plongé son corps entraîné dans un état de perpétuelle réparation, nécessitant plus d’une douzaine d’opérations (cou, œil, mâchoire, hanche, abdomen) … et l’a empêchée de mettre la touche finale à un doctorat en kinésiologie à l’université Simon Fraser.
Les experts, perplexes, ont évalué les dégâts considérables et les symptômes mystérieux, puis lui ont conseillé de faire des arrangements funéraires.
Têtue, Kerr a elle-même fait le lien entre les différents éléments médicaux et, au fil des ans, a élaboré un plan de guérison.
« Je suis probablement entrée et sortie de l’hôpital un millier de fois », dit Kerr, depuis son domicile de Vancouver, à propos des années qui ont suivi l’accident de 2005. « Mais j’allais faire tout ce que je pouvais pour être capable de courir à nouveau, puis, je l’espérais, de me remettre au triathlon. J’y pensais sans cesse. »
Elle a couru sur toutes les distances, y compris les épreuves Ironman à Penticton, en Colombie-Britannique, et à Hawaï, et a même entraîné des triathlètes. Elle a été cofondatrice du Pacific Spirit Triathlon Club, dont elle a été la première présidente.
« Avant l’accident, le triathlon était mon univers, en dehors de ma famille », dit-elle. « J’étais déterminée à reprendre le triathlon. Je n’ai jamais abandonné.
Peu après l’accident, n’ayant pas l’équilibre nécessaire pour se tenir debout, elle se hissait de son matelas à la selle de son vélo à côté du lit, qui était fixé à une base d’entraînement. Puis, sans crainte de tomber, elle se mettait à pédaler un peu.
Mais ce sont ces petits pas, effectués tranquillement dans sa salle de bains, qui ont été déterminants. Rapidement, elle a commencé à marcher à l’extérieur, puis à alterner la marche et la course, avant de se lancer dans la randonnée et la course sur sentier. Elle a terminé le Mount Marathon en Alaska. Puis elle a traversé le Grand Canyon à la course.
Cependant, les surfaces dures restent une source de douleur. Une opération au cou en 2021, lorsque trois disques en titane ont été insérés, l’a soulagée, lui permettant d’augmenter confortablement son kilométrage de course à pied sur le pavé, et de multiplier ses séances de vélo et de natation.
« C’est à ce moment-là que j’ai su que je pouvais recommencer à faire du triathlon. »
Elle n’avait pas tort.
Plus tôt cet été, quelques semaines seulement après avoir participé au North Shore Triathlon à Vancouver, Kerr s’est surprise elle-même et, sans doute, d’autres, en se classant deuxième dans la catégorie sprint des femmes de 55 à 59 ans au Triathlon d’Oliver (C.-B.). Ce résultat lui donne la possibilité de représenter le Canada aux Championnats du monde des groupes d’âge qui se tiendront en Australie l’année prochaine. « J’adorerais ça. Ce serait un rêve devenu réalité. »
Cette formidable remontée, elle la doit à sa fille Katelyn – « Je voulais lui montrer que l’on peut tout accomplir si l’on s’en donne la peine » – et au milieu accueillant qu’est l’univers multisports.
« Pour moi, le triathlon, c’est un peu comme mon chez-moi », dit Kerr. « Tous mes amis s’entraînent encore ensemble. C’est donc mon amour de la communauté du triathlon qui m’a poussée à me lancer dans cette aventure. Il y a des enfants de cinq ans et des personnes de 85 ans, peu importe la taille ou la forme – tout le monde est égal dans le triathlon.
« Tout le monde s’encourage. Cette affection et ce soutien sont en grande partie ce qui m’a permis de m’améliorer. »
Les leçons tirées du sport lui-même l’ont aidée à surmonter les moments difficiles – les innombrables heures de rééducation, d’orthophonie et d’inquiétude, le nombre élevé et frustrant de diagnostics à revoir, la douleur accablante.
« Il faut beaucoup de ténacité et de persévérance pour participer à un triathlon », déclare Kerr. « Il faut de la discipline. Il faut vraiment travailler sur l’aspect mental, comme de ne pas abandonner. En faisant des Ironman, on apprend à souffrir pendant longtemps. Je savais que je pouvais endurer.
Après avoir franchi les obstacles et obtenu de bons résultats, on lui demande si elle est un modèle à suivre ces jours-ci. Est-elle à l’aise avec ce genre de couronne ? Comme à son habitude, elle ne recule devant rien.
« J’aimerais inspirer le plus grand nombre de personnes possible », déclare Kerr, diététicienne du sport qui rédige des articles sur la nutrition pour Triathlon BC. « On peut surmonter des épreuves horribles – ou simplement des épreuves – en ayant le bon état d’esprit, en restant positif, en gardant le cap. J’étais prête à faire tout ce qu’il fallait pour revenir au sport, parce que le sport m’apporte bien plus que ce que je lui donne.
« De nombreuses personnes se blessent et sont déprimées parce qu’elles ne peuvent pas s’entraîner. Il s’agit d’apprendre qu’on peut s’entraîner en courant sur un tapis de bain, en faisant tout ce qu’on peut pour garder la forme ».
L’histoire de Kerr est bien sûr loin d’être terminée. Elle se prépare à une course sur sentier en septembre. Elle est également déterminée, contre toute attente, à gagner des secondes sur ses temps de passage en triathlon.
« L’objectif est de faire connaître davantage mon histoire – d’inspirer d’autres personnes à surmonte